Projet de réforme : en préalable et selon les éléments connus à la date de rédaction :

  • la mise en place est annoncée pour 2025 : en attendant, la réglementation actuelle continuerait à s’appliquer ;
  • seraient touché·es :
    • les collègues né·es à partir de 1963 pour la catégorie active (15 ans minimum d’instit) ;
    • les collègues né·es à partir de 1968 pour la catégorie sédentaire ;
  • la Loi pourrait être adoptée d’ici fin 2019 : pendant l’été sans doute…

1 Des modifications intermédiaires des paramètres, avant 2025 :

Sans précision sur leur nature ni sur les dates d’entrée en vigueur ou les générations concernées, cela pourrait signifier
– la mise en place d’un âge pivot en dessous duquel des décotes supplémentaires seraient appliquées (ce serait une décote à l’âge qui s’ajouterait aux décotes existantes aujourd’hui en fonction des trimestres manquants).
– Un allongement des durées d’assurance nécessaires plus rapide. Cela pourrait par exemple signifier qu’on appliquerait plus rapidement aux générations concernées par un départ avant 2025 des durées d’assurance prévues pour entrer en vigueur plus tard.
Par exemple si aujourd’hui c’est à partir des générations nées en 1961 qu’on doit 42 ans, on pourrait appliquer cette durée dès les générations 1958, 1959 et 1960 et passer à 42,5 ans pour la génération 1961 et ainsi de suite.
Aucun calendrier d’annonces n’est donné sur ces éléments mais on peut penser que le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), à l’automne 2019, pourrait être l’occasion de faire passer ces mesures régressives.
C’est aussi dans ce cadre que pourraient être introduits dès 2020 de maigres dispositifs d’amélioration des minima de pension dans le cadre de la promesse présidentielle de porter ces minima à 1000 euros. Mais le Président de la République n’a pas précisé s’il parlait en net ou en brut et, dans la Fonction publique, le minimum garanti est déjà au dessus de 1000 euros pour une carrière complète.

2- Une réforme systémique en 2025, avec la mise en place d’une retraite par points

Le nouveau système serait par points, avec une valeur d’achat et une valeur de service du point qui varieraient chaque année.
– Les taux de cotisation, dans le privé comme dans la Fonction publique quel que soit le versant, seraient identiques, autour de 30% au total (11% salarié, 19% employeur),
– Primes et indemnités dans la Fonction publique seraient concernées par les cotisations (elles ne le sont aujourd’hui que via la cotisation RAFP de 10% seulement au total).
– Il n’y aurait plus de durée d’assurance, sauf pour ouvrir des droits aux minima de pension et aux dispositifs type carrières longues qui seraient maintenus. Resteraient des âges, au moins plancher (c’est à dire un âge d’ouverture des droits).
– Un coefficient majorant serait appliqué en fonction de l’âge au moment de la liquidation. Cela revient à faire une décote déguisée si la valeur du point à 62 ans ne permet pas d’avoir une pension convenable et qu’il faut attendre la valeur du point à un âge plus élevé.
– Les règles d’évolution des valeurs d’achat et de service reposeraient sur une évolution de la valeur d’achat du point comme l’inflation. Celle de la valeur de service serait indexée sur la masse salariale ou sur le salaire moyen corrigée par un facteur tenant compte de l’espérance de vie et de la croissance économique (évolution des salaires moins quelque chose). Les pensions seraient revalorisées selon l’inflation.
– Il n’y aurait plus de cotisations prises en compte gratuitement lors des interruptions de carrière (congé parental, disponibilité pour élever un enfant) ou des temps partiels (avant les 3 ans de l’enfant) comme c’est le cas actuellement pour les fonctionnaires sauf ressources insuffisantes du conjoint ou situation de parent isolé. Il y a donc une menace particulière sur la prise en compte des temps partiels de droit dans la Fonction publique.
– Pour la compensation des effets des enfants sur la carrière, un deuxième dispositif attribuerait une majoration proportionnelle à la pension et versée par enfant. Un « droit d’option » serait ouvert entre le père et la mère,
– Pension de réversion : la prise en compte du PACS est abandonnée pour des questions de … gestion trop complexe … selon le haut commissariat.
– Dans le nouveau système, les droits à retraite seraient ceux du couple. En cas de divorce, les droits à retraite pourraient faire partie de ce que le juge aux affaires familiales pourrait répartir. Il n’y aurait plus de pension de réversion versée en fonction de la durée du mariage.
– L’intention globale du HCRR est d’aligner tous les salariés sur le régime actuel de la pénibilité dont on sait qu’il fonctionne mal et ouvre peu de droits dans le privé.
– Le haut-commissariat semble également favorable à sortir l’invalidité de la retraite pour traiter tout le monde de la même façon.
– Des besoins non couverts ou mal couverts aujourd’hui, pourraient l’être : par exemple pour les aidants familiaux, la prise en compte d’années d’études, des périodes de formation, de stages, de services civiques et de chômage entre la fin de la formation et la vie professionnelle.
– Le HCRR envisage que soit créée une structure de gouvernance qui serait un établissement public, disposant des fonctions d’une caisse nationale. Cell-ci piloterait les systèmes d’information et assurerait la gestion financière du système. Elle serait administrée par un Conseil d’Administration dans lequel siègeraient les représentants des salariés, du patronat et de la puissance publique, mais sans que les choses soient arbitrées.
– Des caisses de retraites seraient maintenues ou créées sans qu’on sache lesquelles et quel serait leur rôle exact. Le RAFP disparaitrait tout comme les caisses de l’AGIRC-ARCCO, ou encore l’IRCANTEC.

Historique

Le système actuel de retraite est un régime par répartition : les pensions versées sont payées directement par les cotisations des actifs.
Ce système date de la Libération, et est une composante du programme du conseil national de la Résistance instituant également la sécurité sociale.
Le montant de la pension de retraite est fonction du salaire moyen (moyenne des salaires des 6 derniers mois dans la Fonction publique) et du taux de remplacement (pourcentage de l’ancien salaire que l’on touche à la retraite), le taux plein correspondant à 42 annuités de cotisations.
Pour un départ sans décote, cela représente 75 % du salaire moyen. Ce contrat est donc basé sur la solidarité où le montant de la pension est défini, par opposition à la capitalisation.
Les droits à pension proviennent aussi des dispositifs de solidarité : l’assurance chômage, le système de réversion (25 % de la pension des femmes), les congés maternité et maladie, la majoration de durée d’assurance liée à l’éducation des enfants, la bonification pour 3 enfants…

Les prévisions

Le montant des pensions ne cesse de chuter d’après le conseil d’orientation des retraites.
Une raison majeure à cela : les pensions ne sont plus réévaluées en fonction des salaires mais en fonction des prix. En 2070, le niveau de la pension ne sera plus de 50 % du salaire moyen mais de 35 à 40 % selon les prévisions.
Quant au taux de remplacement, il va passer de 80 % environ à 66 %.
Dans le même temps, les dépenses de santé vont augmenter.

Le gouvernement se base sur ces éléments pour dire que le régime de retraite actuel n’assurera pas la retraite de tout le monde, et promeut donc une nouvelle réforme des retraites, plus violente encore que les fois précédentes : il ne s’agit pas d’augmenter les cotisations ou de rallonger leur durée, mais bien de changer en profondeur notre système de retraites en passant d’un système solidaire à un système individuel : la retraite par points.

Réforme annoncée

Toutes les réformes menées jusqu’à maintenant l’étaient au nom du déficit : cette fois, la réforme est menée au nom de l’équité !
Le gouvernement, par la voix de Jean-Paul Delevoy, le haut-commissaire à la réforme des retraites, expose ses arguments en faveur de la retraite par points : c’est une gestion équilibrée, puisque les gestionnaires des caisses (privés) ajustent chaque année la valeur d’achat et de revente du point.
Les points sont achetés tout au long de la carrière et transformés en pension au moment de la retraite.

Le problème, c’est qu’on ne sait pas à l’avance combien on va toucher.
De plus, il n’y aura pas de points compensatoires (en cas de chômage, congés, invalidité, décès du conjoint…) donc pas de solidarité : ce système par points pénalisera alors tout·es celles et ceux qui ont une carrière incomplète, en majorité des femmes.
Actuellement les femmes touchent une retraite inférieure de 37 % à celle des hommes (sans la pension de réversion). Avec la pension de réversion, les femmes touchent tout de même 25 % de moins que les hommes.
Contrairement à ce qui est annoncé, les pensions des femmes ne rattrapent pas celles des hommes (ou extrêmement lentement).

Les projections montrent qu’en 2050, les pensions des femmes seront toujours inférieures à celles des hommes (10 % en 2050, puis l’écart recommencera à augmenter).

Les inégalités entre hommes et femmes sont bien plus importantes dans les régimes par points (les femmes touchent entre 41 et 61 % de la pension des hommes) que dans les régimes par annuités (entre 58 et 90 %), ce qui est logique puisque les femmes ont des carrières plus parcellaires.
Le régime par points conforte donc les inégalités.

Le régime de retraite, quel qu’il soit, ne permet pas de récupérer sa mise (ce n’est pas une épargne) : c’est le partage de la richesse publique. Mais le système par annuités est plus juste que le système par points, il y a des choses à faire sans changer de régime.

Des pistes pour sauver notre système solidaire de retraite

L’équilibre du système repose sur l’équation suivante : nombre de retraités x pension moyenne = nombre de cotisants x salaire moyen x taux de cotisation.
Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour maintenir cet équilibre. Il s’agit de répartir différemment les richesses produites pour réduire les inégalités :

  • en élargissant l’assiette de cotisation aux actionnaires qui devraient cotiser sur la richesse produite ;
  • en augmentant progressivement les taux de cotisation.

La réduction des inégalités hommes/femmes constitue également une source d’équilibre pour le système par répartition :

  • en garantissant une pension de bon niveau aux femmes comme aux hommes en réduisant la période prise en compte pour le calcul de la pension au lieu de l’augmenter ;
  • en allant vers l’égalisation des salaires, et l’égalisation des taux d’activité hommes/femmes, ce qui permettrait un apport très fort de ressources aux caisses de retraites.

Même si le gouvernement essaie de nous vendre le système de retraite par capitalisation en annonçant la mort inexorable de la retraite par répartition, nous voyons clairement le mensonge d’État : ce changement de paradigme est insupportable et sera encore payé par les citoyennes et citoyens les plus fragiles, à faible revenu ou victimes d’accidents de la vie, alors que d’autres solutions sont possibles.

Sur ce dossier, la question de l’action va revenir d’actualité dans les mois qui viennent.